« Le chi-kung, c’est la permaculture du corps » Franck Baal
Sans étiquette ni définition, unique en son genre, Franck Baal enseigne à Bruxelles le chi-kung, qu’il a appris avec un maître chinois pendant plus de 23 ans. Son parcours, éclectique et hétérogène, passe par le théâtre pour se diriger ensuite vers des approches thérapeutiques. Le chamanisme et la guérison quantique sont quelques-unes des étapes qui marquent son chemin de vie, toujours tourné vers la guérison et la spiritualité.
Dans le cadre du stage organisé par 4danceworkshops les 17 et 18 mars prochains, Franck répond ici à quelques questions pour présenter ce rendez-vous chi-kung destiné aux artistes et à toute personne intéressée par le corps et l’énergie. Pour plus d’informations : https://4danceworkshop.weebly.com/next-workshops.html
Qu’est-ce que le chi-kung? Comment introduirais-tu le chi-kung à quelqu’un qui ne connaît pas ?
Le chi-kung est comme une séance d’acupuncture ou d’acupressure mais par le mouvement. On stimule les méridiens, on masse les organes, les viscères, les entrailles, on travaille sur les muscles et sur les tendons. A un niveau plus avancé, on travaille également sur la moelle épinière, le cerveau et toutes les glandes. Tout cela est provoqué grâce aux mouvements. Le chi-kung, tel qui m’a été enseigné et que je le transmets, c’est un peu comme la permaculture du corps. Il épouse les lois du corps et de l’univers. On tient compte des besoins et des difficultés du corps, différents à chaque saison. Par exemple, au printemps on va dégager tout ce qui est foie et vésicule biliaire. C’est aussi un travail qui met l’individu dans un état de perception profonde, qui l’amène vers la conscience. Il y a aussi un potentiel spirituel énorme et certain, mais pas obligatoire. Je pratique depuis 30 ans, il y a beaucoup de détails comme dans la médecine chinoise, mais ça serait trop long à expliquer ici.
Pour quelqu’un qui est déjà dans le mouvement, un danseur ou un performeur, quel serait l’intérêt de pratiquer le chi-kung ?
Une immense créativité. Je travaille avec beaucoup d’artistes, des danseurs entre autres. Moi-même je faisais du théâtre il y a 30 ans : le travail sur les animaux, proposé par Grotowski, m’avait particulièrement intéressé et interpellé. Quand on rentre dans la dynamique d’un animal, tout un univers nouveau nous pénètre et nous donne des possibilités de mouvement inimaginables. Une autre chose qui peut être intéressante, c’est que c’est très vaste du point de vue de la géométrie du corps. Il y a toujours quelque chose à découvrir dans cette technique. En fait, pour moi, ainsi que pour les deux maîtres que j’ai eu, le chi-kung est la thérapie de la vie. L’amélioration de la qualité de vie est indubitablement reliée à la créativité. Percevoir de nouvelles choses c’est déjà une manière de créer. On est déjà en train de créer en regardant, en observant, en ressentant son corps. Aucun élève ne ressemble au professeur, il ne s’agit pas d’un groupe ou d’un style, chaque être humain est un univers qui peut se révéler à travers le chi-kung. La créativité de l’artiste est exponentielle.
Tu as dit une fois dans le cours que le chi-kung, le tai-chi et le kung-fu ont été séparés en Occident, mais qu’on a fondamentalement besoin de ces trois énergies. Peux-tu parler un peu plus de cela ?
Quand on voit un beau tableau, on dit du peintre que son kung-fu est beau ; si on entend une musique profonde, on dit du musicien que son kung-fu est beau. Nous écrivons chi-kung, et pas « gong » de façon classique : c’est la voie de l’énergie et l’énergie embrasse tout. Le chi-kung est une captation d’énergie, le kung-fu une émission d’énergie et le tai-chi, l’harmonie, le contenu dans le contenant. C’est fondamental au niveau de l’harmonie de réunir toutes ces énergies pour arriver à l’unité. En enlever une, c’est comme enlever un bras ou une jambe, à mon sens. C’est aussi important de faire des gestes vifs ou explosifs que de faire des méditations et des mouvements lents. Le problème, c’est que le capitalisme domine en Occident. D’une certaine façon, le capitalisme peut être vu comme un ego géant. Le rôle de l’ego est de séparer les choses. Les maîtres venus d’Orient se sont rendu compte que pour faire de l’argent ici, il fallait séparer les choses. Or, nous avons besoin de toutes les énergies comme on a besoin de manger de tout. On peut avoir des préférences et travailler plus une énergie qu’une autre mais s’atrophier d’une énergie peut créer des déséquilibres physiques ou mentaux. Nous sommes complètement dans ce déséquilibre mais on ne se rend pas compte parce qu’il est culturel et nous n’avons pas de recul.
Par rapport aux mouvements vifs et explosifs, une fois dans le cours, tu as dit que pour ce type de mouvement, il ne faut pas réfléchir, que ça vient…
Oui, en effet, c’est une autre partie du cerveau qui travaille. Et on voit que les gens qui sont dans le mental sont maladroits à ce niveau là. Je pense que l’adulte occidental a des problèmes de psychomotricité. Le chi-kung peut les aider à sortir de là, avec le temps, la patience et sans dramatisation. Les artistes, par contre, sont souvent très rapides. Les danseurs vont mémoriser et intégrer très vite les mouvements mais pas l’habitation énergétique, il leur faut souvent du temps pour comprendre et ressentir la circulation énergétique.
Comment le chi-kung peut amener vers cette dimension énergétique et spirituelle?
Le chi-kung permet à l’individu de quitter sa créature pour rencontrer son être, pour rencontrer quelque chose de plus profond, de plus vrai. Là, on est dans un travail personnel, on n’est pas dans une répétition ou une audition, ce qui permet de vivre une expérience de soi-même, on sent qu’on a le droit de ne pas s’approprier immédiatement de tout, de laisser faire. Que ce soit des mouvements plus rapides, vifs, lents ou de l’immobilité.
Tu peux nous parler de toi, de ton parcours, d’où tu viens ?
J’ai eu une enfance très mouvementée et assez tôt, j’ai travaillé avec de jeunes délinquants. C’est par le rugby et les arts martiaux qu’on les aidait à canaliser leur violence. Je suis allé ensuite vers le théâtre, je suis devenu comédien, metteur en scène, professeur d’interprétation dramatique au Conservatoire royal de Bruxelles, et j’ai participé pendant plus de 7 ans à un laboratoire d’anthropologie théâtrale où j’ai rencontré les techniques de Grotowski. C’est là que j’ai réalisé que ma recherche de vérité, de fonctionnement humain était fondamentale et que je n’avais pas besoin du public. Avec le public, je ne parvenais pas à maîtriser mon ego, il était trop puissant, j’avais peur de ne pas plaire ou alors j’étais vite en colère avec les articles de journaux, je rentrais vraiment dans le jeu de la séparation. L’exposition aux yeux des autres me faisait du mal. Je me suis rendu compte que l’exploration de l’être humain était le plus important pour moi. Je suis allé vers l’art- thérapie. Je travaille aussi au FSS (Formation for Shamanic Studies) depuis quelques années avec Laurent Huguelit, je travaille le shamanisme cybernétique et je suis diplômé en Quantum Touch 1 et 2. J’ai fait plusieurs fois le trajet de Transurfing, système de guérison quantique, je suis aussi un grand fan de Frank Kinslow, la guérison quantique. Le quantique est pour moi la solution nouvelle qui permet de sortir de blessures anciennes. Voilà ce que j’ai envie de dire aujourd’hui, mais il y a plein d’autres choses…
Et qui est ton maître dans le chi-kung?
Huynh Chieu Long. Il a été condamné à mort en Chine et au Vietnam. Il est le responsable de la transmission du Kung-fu Pak Mei du Vietnam. Issu d’une famille aristocrate, il a commencé à l’âge de 5 ans et il a une énergie de dingue. Il a créé une phrase à laquelle je tiens beaucoup : « la vieillesse c’est la paresse, la jeunesse c’est l’habitude ». J’ai passé 23 ans avec lui, il était comme un père adoptif. Il m’a dit lui-même qu’il était un shaman, il superpose tout, et grâce à lui, je superpose tout. Mais j’ai eu besoin de couper le cordon...
Tu veux ajouter quelque chose pour clôturer l’interview ?
Oui, j’aimerais partager une de mes préoccupations actuelles. Quand on développe la perception de soi, on développe aussi une autre perception de la nature, de la planète. Je sens qu’on peut influencer un déroulement positif, développer une force. On peut développer la force spirituelle pour la planète sans se balader avec des pancartes, en maitrisant nos pensés, nos paroles et nos actions. Je pense qu’il y a une ouverture très puissante à faire à ce niveau-là et que le chi-kung peut nous y donner accès.
" Propos recueillis par Matilde Cegarra" " Relecture par Juliette Panisset"